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Trouver sa voie sur les chemins

St Benoît Labre, le "mendiant étincelant"

Les saints ne sont devenus saints que parce qu'ils se convertissaient tous les jours (Swetchine - photo f.l.)



... C’est vraisemblablement au cours de cette période que se situe la véritable "conversion" de Benoît. Celui-ci renonçant enfin, après tant d’échecs et de désillusions, à vouloir répondre à l’appel du Seigneur là où il se croit appelé, pour accepter d’humblement Le suivre là où il est attendu.
Encore chancelant, il se dirige vers Rome. Fin août 1770 on le retrouve à Chieri près de Turin, d’où il adresse à ses parents ce qui reste, probablement, sa plus belle lettre, et celle qui témoigne le mieux de cette nouvelle espérance qui l’anime : savoir qu’il « 
va enfin entrer dans un pays où il fait bon vivre » ; non plus celui qu’on s’invente comme lieu idéal ou comme espace refuge, mais comme celui que l’on découvre pour vivre enfin à découvert, libre et serein.

En ce XVIIIème siècle où pèlerins, paresseux cyniques et mauvais garçons roublards sillonnent les mêmes routes, et tendent la main devant les édifices religieux, petit Benoît, dont le seul titre de gloire est de se présenter en disant : «
Je suis chrétien», avec son 1,60 m à peine, ses haillons, ses longs cheveux roux et sa barbe clairsemée qui lui donne un visage de Christ, sera malmené, rejeté, accusé, emprisonné.

Canal St Martin - Paris

Benoît et sa conviction que : « lorsqu’il s’agit de la charité envers le prochain, il faut tout sacrifier » ! Avec son coeur toujours ouvert, ses mains tendues et son âme trop élevée pour soupçonner le soupçon, il fréquentera ouvertement et aussi librement, la fille hardie d’Aix en Provence que la religieuse trop curieuse ; le notable persan rejeté tout autant par ses anciens coreligionnaires que tenu à distance par les nouveaux ; les mauvais garçons le hélant derrière leurs barreaux, comme ceux circulant dans les bas-fonds de la cité. Cela sans autre préoccupation que d’aimer : « les sans beauté ni éclat, privés d’une aimable apparence, objets de mépris et rejets de l’humanité » (Is 53, 2-3).

Aux yeux même des hommes d’église, n’est-il pas bien suspect, ce garçon paraissant trop jeune, semblant entretenir la vermine et portant jusqu’à sa mort une sorte de vêtement religieux non catalogué ! En quittant Sept Fons, il a gardé son habit de novice cistercien, sa taille est ceinte d’une corde à laquelle pendent écuelle et gourde ; il est coiffé de ce qui a du être, en de meilleurs jours, un tricorne en feutre, pour se protéger des intempéries ; et ne parlons pas de ce qui devait être des chaussures. Une croix sur la poitrine, un chapelet entourant son cou et un baluchon sur l’épaule contenant l’Evangile, l’Office Divin, l’Imitation de Jésus-Christ, la Règle de Saint-Benoît, comment peut-il satisfaire tous ceux pour qui l’apparence est le plus crédible des passeports ?

Le Subiaco labrien -
Vallon de Chicalon - Provence
Photo f.l.

Le 3 décembre 1770, Benoît a rejoint Rome, s’arrêtant dans chaque église, se recueillant dans les Catacombes, il trouve au Colisée, lieu où le sang répandu par amour de l’Amour se mêle au sang versé pour des plaisirs pervers, sa "niche", abri du sommeil du juste comme du repos en Dieu. Cet ermitage anticipant celui dans lequel il se retirera plusieurs semaines, quelques années après, lors d’un nouveau séjour en France, dans une grotte du vallon de Chicalon, le "Subiaco labrien" en pays d’Aix.


Ainsi, les genoux collés à la pierre face au Christ Eucharistie ; ainsi, redonnant le pain reçu à ceux qu’il estime plus pauvres que lui ; ainsi, accompagnant plus étranger que lui-même et soutenant plus affaibli, demeure-t-il dans la Ville de Pierre et de Paul jusqu’à ce que la douceur du printemps 1771 l’appelle à rejoindre Marie, servante et pauvre, en dirigeant ses pas vers Lorette, où il était déjà venu une première fois en novembre 1770.

Notre Dame du Chêne
photo f.l. (voir documents)

La "Santa Casa" restera pour Benoît le lieu marial par excellence. C’est à cette époque que, quittant Lorette, il entreprend un véritable périple à travers l’Italie, puis, au-delà, l’Europe.

De basilique en église, on le voit séjourner à Naples, puis à Bari où il chante afin de gagner un peu de nourriture pour les prisonniers. Au Mont Cassin, Benoît retrouve les traces de son saint Patron et goûte davantage encore à la saveur de cette règle monastique qui ne le quitte pas. Puis le voici à Assise aux côtés du Poverello ; et, de même qu’il s’était agrégé au Tiers Ordre Trinitaire pour le rachat des captifs, il est ceint de la corde des fils de Dame Pauvreté.

Et encore, la Suisse et ses grands sanctuaires, à nouveau la France, puis l’Allemagne ; retour vers Compostelle et nouvel arrêt à Lorette, où il séjournera onze fois, probablement suite à un voeu, ayant parcouru entre temps bien d’autres pays encore, tels que l’Autriche ou la Pologne, par exemple.

Santa Casa - sanctuaire ND de Lorette -
Italie

C’est à Lorette, que le jeune dom Valeri, clerc attaché à la Basilique, le "découvre" absorbé dans sa relation à Dieu, inconscient de la foule qui se presse et le bouscule. Frappé par le dénuement et le détachement de Benoît, il décide un jour de l’aborder, afin de comprendre qui il est et comment il vit. Benoît lui expliquant qu’il dort dehors, malgré le froid de la nuit en cette région, dom Valeri lui propose un lit et une aide financière, que Benoît refuse humblement, mais fermement. Pensant alors que Benoît a quitté les siens suite à de graves différends, il lui propose d’intervenir ; mais, bien obligé est-il alors de constater que c’est très librement et dans une parfaite disponibilité à l’Appel du Christ que Benoît a choisi de ne pas savoir « où reposer sa tête ».

Dom Valeri reverra souvent Benoît, tiraillé lors des premières rencontres par une incertitude : est-il fou, est-il saint, ce témoin déconcertant de l’Evangile qui définira un jour le sens d’une vie chrétienne en disant :

« 
Pour aimer Dieu il faut trois coeurs : l’un brûlant d’amour pour Dieu, le second plein de compassion pour le prochain, lui venant en aide aussi bien dans ses besoins temporels que spirituels, le troisième rigoureux pour soi-même, s’employant sans cesse à combattre volonté personnelle et amour-propre ».

St Benoît-Joseph -
Portrait de Jeanne Hall
Photo f.l.

Au cours des années, le jeune clerc, ayant pu constater que Benoît possédait une réelle culture et avait l’âme et la manière de vivre d’un ermite, voudra l’inciter à rentrer chez les Camaldules. Face à cette proposition, Benoît-Joseph réagira comme il le fit toujours, après Sept Fons, en alliant sens de l’obéissance et liberté d’esprit. Il prendra d’abord le temps d’y réfléchir quelques heures, en concluant, selon ses propres termes, « que Dieu ne le veut pas dans cette voie ».

Une autre rencontre va fortement s’inscrire dans son existence. Benoît a vingt-huit ans ; en février 1776 il se dirige vers un prêtre qui sort du confessionnal et demande à lui parler. Il s’agit du Père Temple, qui l’invite à revenir l’après-midi.

Germain Nouveau -
Statue à Pourrières
village de sa naissance.
Photo f.l.

Après un long échange, selon le témoignage même du prêtre français, celui-ci conclut que Benoît est un très grand saint ou un grand démon. Afin d’éprouver le jeune homme, il lui demande de revenir le lendemain et se livre à un véritable interrogatoire sur les vérités de la Foi et les enseignements de l’Eglise. Il se trouve dans l’obligation de reconnaître la solidité et la profondeur de sa "théologie".

Connaissances et élévation religieuse de celui dont le grand poète Germain Nouveau a fait la découverte en se rendant, en compagnie de son ami Paul Verlaine, à Amettes, au cours de l’été 1877. Ce Germain qui deviendra l’un des fils spirituels les plus émouvants de Benoît, qu’il nomma «
 l’hirondelle de grand chemin ». (La Pléiade – Œuvres complètes).

Après l’avoir entendu en confession, le Père Temple ne doutera plus que le mystique en guenilles ne soit un grand saint. Il lui demandera alors de venir le voir le plus régulièrement possible, prenant en note tout ce qu’il entend, voit et comprend.

Il en arrivera à affirmer que : « 
Benoît-Joseph vit en continuelle union avec Dieu, et demeure en Sa présence». Ces notes seront précieuses lorsque, quelques années plus tard, débutera le procès de béatification.

A Lorette, Benoît trouvera, presque malgré lui, un port d’attache chez Barbara Sori et son époux. Nous sommes en mars 1780, un de ces dimanches où la foule est si dense qu’il ne sait plus dans quel coin se terrer pour demeurer dans le silence de son ardente prière. Un couple tient à Lorette une sorte d’auberge faisant commerce de chapelets, croix et autres pieux objets souvenirs.

Aperçu par eux, ils lui proposent un réduit se situant sous la boutique, éclairé par un soupirail. Benoît trouve l’endroit trop luxueux pour lui, bien qu’il lui soit affirmé qu’il est le plus misérable de la maison. Il acceptera cependant d’y résider de temps à autre, à condition qu’on l’y enferme, précisant que, n’étant qu’un inconnu, cela est plus prudent pour Barbara et son mari. Il retrouvera le couple trois ans de suite ; à chaque rencontre, ceux-ci lutteront avec lui, afin d’essayer de le nourrir un peu, finissant par trouver des ruses, telles que mettre des parcelles de viande correcte ou de pain frais au milieu des restes, qu’il veut seuls accepter. Leur affection pour lui, qu’ils considèrent comme un saint, finira même par lui faire recevoir un chapelet, un mouchoir et jusqu’à une veste avant que de le voir reprendre la route. Pour ce qui est de la moindre monnaie, il n’en est pas question.

Les Sori rencontreront Benoît pour la dernière fois en 1782. "
Le Veilleur de Lorette" arrivera chez eux totalement épuisé, ayant été glacé par le froid en traversant la montagne, vingt-deux jours après avoir quitté Rome. Barbara et son mari l’attendront en vain l’année suivante, ne sachant pas encore qu’il était mort...


(Biographie rédigée à l’Hospice du Grand Saint-Bernard,
en la fête de la Transfiguration,
le 6 août 2002)


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