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Poète français
1851-1920
Très jeune, Germain Nouveau pense au sacerdoce, mais attiré par les arts, et perturbé par la mort prématurée de ses parents, il quitte Marseille pour Paris où, introduit dans les milieux littéraires, il rencontre Mallarmé, Rimbaud, puis Verlaine.
Ses premiers poèmes rencontrent du succès. D'inspiration mystique, sous le pseudonyme d'Humilis, il fera paraître son oeuvre majeure : La Doctrine de l'Amour.
Il voyage beaucoup, à la recherche de "l'impossible amour". Un jour, Verlaine lui parle de Saint Benoît-Joseph Labre qui vient d'être canonisé et qui a joué un grand rôle dans sa propre conversion : "J'ai éprouvé la première manifestation de la Grâce" dira-t-il.
Après une dépression grave, il choisit définitivement le renoncement et de vivre l'Evangile. Durant une trentaine d'année, il mène une vie d'ascèse ; vagabond et pèlerin, il écrit sans rien publier, il dessine... se voue à la Vierge Marie et suit Saint Benoît Joseph, sous le regard de Jésus Christ. On le retrouve en 1920, mort de faim, dans le galetas où il avait choisi de se retirer à Pourrières (Var).
C'est Dieu qui conduisait à Rome,
Mettant un bourdon dans sa main,
Ce saint qui ne fut qu'un pauvre homme,
Hirondelle de grand chemin,
Qui laissa tout, son coin de terre,
Sa cellule solitaire,
Et la soupe du monastère,
Et son banc qui chauffe au soleil,
Sourd à son siècle, à ses oracles,
Accueilli des seuls tabernacles,
Mais vêtu du don des miracles
Et coiffé du nimbe vermeil (...).
Fière statue enchanteresse
De l'autorité que Dieu dresse
Au bout du siècle de l'ivresse
Au seuil du siècle de l'argent (...).
Beau paysan, ange d'Amettes,
Ayant aujourd'hui pour trépieds
La lune au ciel et la comète,
Et tous les soleils sous vos pieds ;
Couvert d'odeurs délicieuses,
Vous, qui dormiez sous les yeuses
Vous, que l'Eglise aux mains pieuses
Peint sur l'autel et le guidon,
Priez pour nos âmes, ces gouges,
Et pour que nos coeurs, las des bouges,
Lavent leurs péchés noirs et rouges
Dans les piscines du pardon.
Germain Nouveau
"Humilité"
L'Amour de l'Amour
Aimez bien vos amours ; aimez l'amour qui rêve
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
C'est Lui que vous cherchez quand votre avril se lève,
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.
Aimez l'amour qui joue au soleil des peintures,
sous l'azur de la Grâce, autour de ses autels,
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.
Aimez l'amour qui parle avec la lenteur basse
Des Ave Maria chuchotés sous l'arceau ;
C'est lui que vous priez quand votre tête est lasse,
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.
Aimez l'amour que Dieu souffla sur notre fange,
Aimez l'amour aveugle, allumant son flambeau,
Aimez l'amour rêvé qui ressemble à notre ange,
Aimez l'amour promis aux cendres du tombeau !
Amour sur l'océan, amour sur les collines !
Amour dans les grands lys qui montent des vallons !
Amour dans la parole et les brises câlines !
Amour dans la prière et sur les violons !
Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres !
Amour dans tous les bras, amour au bout des doigts !
Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres !
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !
Amour dans chaque ville : ouvrez-vous citadelles !
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux !
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes !
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !
Germain Nouveau
Poème extrait de "La Doctrine de l'Amour"
(1879-1881)