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... La sainteté de ce témoin de l’Evangile est telle, aux yeux de tous, que moins d’un mois après son "passage sur l’autre rive", le 14 mai exactement, a lieu l’ouverture du procès de béatification. Le pape Pie IX le déclarera bienheureux le 20 mai 1860, et Benoît sera inscrit au catalogue des Saints, en la fête de l’Immaculée Conception le 8 décembre 1881.
Sur les routes de l’histoire, après avoir parcouru plus de trente mille kilomètres, Benoît n’aura pas été plus épargné dans sa vie quotidienne que dans la recherche de sa voie spirituelle. En quittant Sept Fons, une des dernières phrases entendues restera gravée au plus intime de son être : « Dieu vous attend ailleurs ».
A ce moment, Benoît comprend qu’il n’a plus à envisager de lieu, à imaginer de formes, à rejoindre un désert que la volonté la plus généreuse réduirait, tout autant que les plus édifiantes raisons. Ailleurs, se trouvent les limites d’un cloître dressé aux quatre coins de l’horizon.
Un ailleurs immense comme la Croix du Christ, élevée sur le monde, un ailleurs vaste comme le Mystère de l’Homme lui-même et sa soif de Dieu. Comme il l’a entendu, Benoît va suivre les « inspirations de la Grâce » ; il est devenu bien réellement moine, nourri de la Parole, épris de silence, uni à la Présence de Celui avec qui il marche, tout autant qu’à celle de ceux pour qui il avance. La Règle monastique oriente sa vie, sa prière l’illumine, sa charité embrase. Contre tout pieux a priori, il est devenu l’icône même du consacré, puisque le modèle du converti.
Pour ne pas se fourvoyer sur les grand’routes, pour ne pas risquer de perdre son âme au creux de voies royales, il a préféré les chemins de traverse, ces vicinales où viennent se réfugier, pour tenter d’avancer encore, éclopés, méjugés, exclus de tous crins et zonards de toutes natures. A leurs côtés, il a tenté de désigner, dans l’opacité de leurs nuits, cette Bonne Etoile sous laquelle on peut se reposer en paix ; celle qui, comme la Foi, élève ; comme l’Espérance, invite ; et qui, semblable à la Charité, illumine. Leur mélancolie, leur anxiété, leur angoisse même de se sentir rejetés, il les a éprouvées au plus intime de lui-même, jusqu’au jour où il entendit « qu’ailleurs il était quelqu’un pour Celui qui Est ».
Benoît est passé d’une foi en un Dieu omnipotent, glorieux et insaisissable, magnifique et inconcevable, à la foi en un Dieu chair et sang, présent et tendre, fragile et compatissant. Il a uni sa vie au «plus beau des enfants des hommes», en Le rencontrant tout aussi intimement au creux des fossés que sur les chemins pierreux, dans les caniveaux et sur les trottoirs, qu’à genoux devant l’autel, face au Saint Sacrement.
Contrairement à ce qu’on a pu écrire, et bien que jansénistes comme sophistes essayèrent de le récupérer post mortem, Benoît-Joseph avait un sens trop aigu de la morale pour se fourvoyer, autant dans un moralisme étroit que dans de subtils arrangements de conscience.
Il affirma avec autant de force, lui le faible devant les hommes, la nécessaire rigueur d’une vie, dont la valeur et le sens se déployèrent dans la vigueur de sa foi, qu’il dénonça, par toute son intelligence de la Bonne Nouvelle du Salut, le danger des rigorismes qui étouffent et des conformismes qui rejettent, n’oubliant jamais que : «celui qui juge son frère est un meurtrier» (1 Jn 3,15).
Ceci explique assez pourquoi les fils et les filles de Saint Benoît Labre s’engagèrent à sa suite, au nom du Christ libérateur. Tels furent, par exemple, en leur temps, "I Fratelli della strada", fondés à Rome en 1842, et, aujourd’hui en France, les "Frères et Sœurs de Saint Benoît Labre" en se voulant témoins de l’Evangile pour le peuple de la rue comme pour celui de divers ghettos.
«Aimer ceux qui se sont perdus et les aimer dans leur perdition même»
Saint-Benoît Joseph, carnets du Père Temple. Cité par André Dhôtel.
Biographie rédigée à l’Hospice du Grand Saint-Bernard,
en la fête de la Transfiguration,
le 6 août 2002.
frère B-J. W., f.l.
Sauf précisions contraires, toutes les références concernant Saint Benoît-Joseph, sa vie et ses dits, sont tirées des archives du Cardinal Virili, conservées au couvent des Religieuses de l’Immacolata de Gênes, à Rome.